Rachat par les cadres, transfert familial : comment réussir sa relève à l’interne

Alors qu’une génération entière de dirigeants s’apprête à passer le flambeau, la relève à l’interne s’impose comme une voie prometteuse, mais souvent sous-estimée. Selon Repreneuriat Québec, environ 50 % des entreprises québécoises appelées à changer de main au cours des prochaines années le seront entre membres de la famille ou employés clés. Avec un contexte fiscal assoupli et de nouveaux outils d’accompagnement, cette option gagne en pertinence — à condition d’être bien planifiée.

 

Anticiper pour mieux transmettre

De nombreux dirigeants souhaitent préparer leur relève, mais hésitent à en parler ouvertement. La peur d’offusquer leurs enfants ou leurs employés, la crainte de ne pas trouver d’acheteur ou la méconnaissance du processus freinent souvent les démarches. Pourtant, une transition bien planifiée peut devenir une expérience positive pour tous.

 

« La clé, c’est la préparation », insiste Louis Blain, expert en vente, acquisition et financement d’entreprise chez EC2 Finance et concepteur du programme Au cœur de la relève. Selon lui, il faut au moins trois à cinq ans pour structurer une relève solide, explique-t-il dans l’épisode 35 du balado Au cœur de l’action, animé par EC2 Finance. Son programme, composé de sept modules, aide les futurs repreneurs à comprendre les aspects financiers, juridiques et humains d’une transaction, tout en permettant aux dirigeants de tester l’intérêt réel de leurs enfants ou de cadres. « Certains cédants inscrivent leurs employés au programme simplement pour voir si la flamme entrepreneuriale est là », note-t-il.

 

Les défis sont nombreux : manque de repreneurs motivés, complexité du financement, hausse des taux d’intérêt et mutations rapides du monde des affaires (intelligence artificielle, cybersécurité, etc.). Mais les bénéfices d’une transmission à l’interne sont considérables : continuité des valeurs, stabilité des équipes et maintien des intérêts québécois dans le capital de l’entreprise.

 

Former la relève avant de la nommer

Le programme développé par Louis Blain illustre bien cette philosophie. Chaque module couvre une étape du processus : évaluation d’entreprise, financement, enjeux juridiques, négociation, fiscalité, plan de transition et surtout, dimension humaine. « On ne veut pas perdre les employés stratégiques, rappelle-t-il. Une transaction réussie, c’est celle qui préserve les talents et la culture organisationnelle. »

 

L’expert met aussi en garde contre plusieurs pièges : le paternalisme décisionnel, la mauvaise communication et l’absence de conventions d’actionnaires, même entre proches. « Un père peut se retrouver malgré lui associé avec la conjointe de son fils en cas de décès si rien n’est prévu au testament », illustre-t-il. Ces aspects, souvent négligés, sont pourtant essentiels à la stabilité du projet.

 

Le rachat par les cadres : un levier de continuité et de motivation

Dans un autre épisode du balado Au cœur de l’action, Wandrille Lefèvre, expert en vente et acquisition chez EC2, s’intéresse au rachat d’entreprise par les cadres (management buy-out). Cette formule séduit les PME souhaitant assurer leur continuité tout en valorisant les employés clés.

 

« Ce type de transaction rassure les partenaires financiers : les repreneurs connaissent déjà l’entreprise et sa culture », explique Wandrille Lefèvre. Elle permet aussi de préserver les emplois et de reconnaître l’engagement de longue date de certains collaborateurs. Pour le cédant, c’est une façon de transmettre son œuvre à des personnes de confiance, tout en demeurant parfois impliqué grâce à une participation minoritaire.»

 

C’est la formule choisie par Michel Berne et Stéphan Harris, cofondateurs de la firme Ad hoc recherche, qui est passé aux mains de neuf cadres de l’entreprise. Les cédants sont restés propriétaires d’un bloc d’actions, ce qui a facilité le montage financier pour la relève, comme ils l’ont expliqué dans un article du Journal de Montréal.

 

Le rachat interne comporte toutefois son lot de défis. Il faut d’abord identifier les bons candidats : des gestionnaires dotés d’une vision entrepreneuriale, capables d’assumer les risques et la direction. Ensuite vient la question du financement : les cadres disposent rarement de ressources comparables à celles d’un acheteur externe. Le recours à une balance de vente ou à un financement hybride (incluant la dette subordonnée) est donc courant.

 

« Le montage doit être bien structuré pour que tout le monde y trouve son compte », précise Wandrille Lefèvre, qui recommande un accompagnement professionnel complet — fiscaliste, comptable, juriste et planificateur financier — pour maximiser les avantages et réduire les tensions humaines.»

 

Le transfert intergénérationnel facilité par de nouvelles règles

Le 1er janvier 2024, un changement majeur est venu simplifier le transfert d’entreprise entre membres d’une même famille. Comme l’explique Marc-André Perreault, avocat fiscaliste chez De Grandpré Chait, dans l’épisode 31 du balado d’EC2 Finance, les nouvelles règles fiscales fédérales harmonisées avec celles du Québec corrigent une iniquité historique : il est désormais aussi avantageux de vendre son entreprise à son enfant qu’à un tiers.

 

Ce nouveau cadre permet d’appliquer la déduction pour gains en capital (jusqu’à 1 million de dollars par parent) lors d’une vente familiale, à condition de respecter des critères précis : l’entreprise doit être active, le parent doit céder le contrôle factuel, et l’enfant repreneur doit demeurer impliqué pendant plusieurs années. Deux formules sont possibles :

  • le transfert immédiat, où le cédant se retire complètement ;
  • le transfert graduel, plus souple, où il conserve un rôle d’accompagnement pendant la transition.

 

« Le régime est généreux, mais exigeant, souligne Marc André Perreault. Une erreur, comme réinvestir ou reprendre les rênes trop tôt, peut annuler l’avantage fiscal. » Il recommande donc de planifier au moins deux ans d’avance et d’obtenir une évaluation indépendante de l’entreprise pour prouver la juste valeur marchande — un élément souvent exigé par l’Agence du revenu.

 

Grâce à ces ajustements, les transferts familiaux deviennent une option réaliste et sécuritaire, contribuant à la continuité du tissu entrepreneurial québécois.

 

Un enjeu collectif

Qu’il s’agisse d’une transmission familiale, d’un rachat par des employés ou d’une cession à des cadres, la relève interne offre une voie équilibrée entre pérennité et modernisation. Elle permet au cédant de monétiser progressivement la valeur de son entreprise, de rester impliqué à son rythme et de préserver la propriété de son organisation.

 

Pour les entrepreneurs qui préparent leur relève, l’équipe d’EC2 offre un accompagnement professionnel personnalisé. Une rencontre avec un de nos experts peut être le premier pas vers une transition réussie.

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